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journal de ma vie.

ville de Montpelier soit reduite en son obeissance, et Vostre Majesté vengée de l’affront que ces rebelles vous ont voulu procurer. »

Apres que j’eus achevé de parler, Mr le Prince quy m’avoit attentivement escouté, se leva et dit au roy : « Sire, voila un homme de bien, grand serviteur de Vostre Majesté, et jaloux de vostre honneur. » Le roy se leva aussy, ce quy obligea tous les autres a se lever, et lors Sa Majesté dit a Mr de Bulion : « Retournés a Montpelier et dites a ceux de la ville que je donne bien des capitulations a mes sujets, mais que je n’en reçois point d’eux ; qu’ils acceptent celles que je leur ay offertes ou qu’ils se preparent a y estre forcés : » et ainsy s’acheva le conseil. Mr le Prince me fit cet honneur de me venir embrasser et de dire tout haut tant de bien de moy que j’en demeuray confus. Monsieur le connestable et Mr le mareschal de Crequy[1], quy avoint moyenné cette paix, voyans l’opiniatreté de ceux de Montpelier, conseillerent au roy de les mettre a la rayson, et des le soir tout traitté fut rompu.

Le mardy 30me monsieur le connestable voulut aller reconnestre Montpelier comme il avoit dit le jour precedent a Mr le mareschal de Pralain, lequel ne m’en dit rien, dont je me plaignis a luy devant monsieur le connestable, et luy fis voir que son silence estoit cause que deux mille hommes de pié quy eussent escorté monsieur le connestable affin qu’avesques seureté il peut reconnestre la place et rembarrer les ennemis (s’ils sortoint sur luy), n'estoint point commandés ny prets comme ils eussent esté ; car j’en eusse pris

  1. Il y avait aux précédentes éditions : M. de Bullion.