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journal de ma vie.

avesques tant d’impunité, que huit soldats, de diverses nations et bandes, se presenterent a la porte de Lunel pour y entrer avec plus de vingt prisonniers qu’ils menoint attachés, et leurs espées sanglantes de ceux qu’ils avoint massacrés, sy chargés de butin qu’a peine pouvoint ils marcher, lesquels trouvans la porte de Lunel fermée, firent crier aux sentinelles qu’ils me vinssent avertir de leur faire ouvrir. Je vins a la porte sur le recit que l’on m'en fit, que je trouvay veritable, et les fis entrer, puis je fis lier ces huit galans des cordes dont ils avoint lié ces vingt prisonniers que je fis conduire par mes carabins jusques sur le chemin de Cauvisson, et leur donnay le butin des huit soldats lesquels je fis pendre sans autre forme de proces, devant eux, en un arbre proche [du pont][1] de Lunel [sur le Vidourle][2] ; dont Mr le Prince me sceut tres bon gré le lendemain, et m’en remercia.

Il se vint loger a Lunel ou il y sejourna jusques au vendredy 12me qu’il s’en alla joindre l’armée quy avoit investy Sommières[3].

Un peu avant qu’il deslogeat de Lunel, il receut une lettre du roy, par laquelle il luy ordonnait de m’envoyer avec cinq cens chevaux au devant de luy a Ville-

    du roi ; l’historien protestant Levassor accuse même le prince de Condé d’avoir, au moins par une connivence secrète, favorisé le massacre.

  1. Inédit.
  2. Inédit. — La rivière de Vidourle, qui se jette dans les étangs de Repausset et de Mauguio, passe à quelque distance de Lunel. Le pont de Lunel est sur la route de Nîmes.
  3. Sommières, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nîmes.