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1620. octobre.

feroit payer en mon absence tous mes appointemens fort exactement, et que dans quelque temps qu’il ne me vouloit pas limiter, il me feroit rappeler avec honneur et feroit en suitte pour moy tout ce qu’il pourroit.

Je trouvay cette proposition sy creue qu’elle me mit fort en colere. Je respondis a ces messieurs quy m’avoint envoyé querir cheux Mr le cardinal de Rets que ce n’estoit point un homme de ma sorte qu’il falloit traitter en faquin, le chassant honteusement de cette façon, et que je ne m’en irois point du tout ; que c’estoit ma resolution, laquelle je leur priois de faire sçavoir a Mr de Luynes ; que sy l’on soubçonnoit de mon integrité ou de ma fidellité, on me pouvoit mettre en prison pour esclaircir ce doutte, et que sy on l’averoit on me pouvoit chastier ; mais que de me chasser de la court pour sa fantaisie, toutefois et quantes que je voudrois preferer mon sejour a la court a ma liberté ou a ma vie, que je le deffiois de le pouvoir faire ; avesques beaucoup d’autres choses que la passion et la colere me firent dire.

Ces trois messieurs estoint mes amis quy vouloint m’ayder et m’obliger : ils me dirent que cette creue response ne partiroit point de leur bouche pour estre ditte a Mr de Luynes, et qu’ils n’estoint pas là seulement comme entremetteurs, mais comme mes amis quy me conseilleroint toujours et se porteroint a addoucir l’affaire et jamais a l’aigrir, et qu’ils estoint d’avis, sy j’y consentois, de dire de ma part a Mr de Luynes que je m’esmerveillois qu’il eut sy bien traitté ses ennemis au Pont de Sey, lesquels il estoit en sa