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1620. aout.

retranché, pour faire passer le charroy, de sorte que sans peine ny resistance nous y entrames, et nostre battaillon, partie par cette ouverture, partie montant dessus le retranchement pour passer. Mais a peine estions nous passés cent hommes que d’une fondriere[1] quy estoit au dedans de ce retranchement sortit un gros de pres de cent chevaux, a mon avis, quy nous vindrent charger. Mr de Nerestan me dit lors : « Voicy quy nous donnera des affaires », et se tournant vers le battaillon quy nous suyvoit, leur dit : « Presentés vos piques, mes enfans, et tenons ferme ; car apres qu’ils auront veu que nous valons quelque chose, ils mettront de l’eau en leur vin. »

Sur cela je diray une chose estrange : un de nos enfans perdus quy estoit demeuré derriere, je n’ay jammais peu sçavoir depuis quy ce fut, et sy[2] j’eus soin de le faire chercher, ayant une pique a la main, s’addressa a un chef qui marchoit vingt pas devant les autres et donna un coup de pique dans l’estomach de son cheval ; le cheval se cabra, et luy, rechargea un autre coup dans le ventre ; celuy quy estoit dessus, craignant d’estre abbattu, le tourna a gauche, et en mesme temps tout son esquadron tourna aussy et alla passer sous une arche du pont ou il n’y avoit gueres d’eau. Le comte de Saint Aignan faisoit combattre cet esquadron, et nous le connusmes fort bien avesques des armes moitié dorées en coste avec un chapeau gris et forces plumes. Il estoit au costé gauche dudit esquadron et hors de rang. Mais comme l’esquadron

  1. Il y avait : fourrière.
  2. Et cependant.