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1617. mai.

marrie de n’avoir gouverné vostre estat pendant ma regence et mon administration plus a vostre gré que je n’ay fait, vous asseurant que j’y ay neammoins apporté toute la peine et le soin qu’il m’a esté possible, et vous supplie de me tenir toujours pour vostre tres humble et tres obeissante mere et servante. » Il luy respondit : « Madame, je vous remercie tres humblement du soin et de la peine que vous avés prise en l’administration de mon royaume ; dont je suis satisfait et m’en ressens obligé. Je vous supplie de crere que je seray toujours vostre tres humble fils. » Sur cela attendoit le roy qu’elle se baissat pour le baiser et prendre congé de luy, comme il avoit esté concerté ; mais elle luy dit : « Monsieur, je m’en vas et vous supplie d’une grace en partant, que je me veux promettre que vous ne me refuserés pas, quy est de me rendre Barbins mon intendant[1], sy, comme je le crois, vous ne vous en voulés servir. » Le roy quy ne s’attendoit point a cette demande, la regarda sans luy rien respondre ; elle luy dit encores : « Monsieur, ne me refusés point cette seule priere que je vous fais. » Il continua de la regarder sans respondre ; elle adjouta : « Peut estre est ce la derniere que je vous feray jammais » ; et puis voyant qu’il ne luy respondoit rien, elle dit : « Or su », et puis se baissa et le baisa. Le roy fit une reverence et puis tourna le dos. Allors Mr de Luynes vint prendre congé de la reine a quy il dit quelques parolles que je ne peus entendre ny celles

  1. Barbin, qui avait été fait contrôleur général des finances au mois de novembre de l’année précédente, fut arrêté après le meurtre de Concini, et demeura prisonnier à la Bastille.