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JOURNAL

Julian, le seul sérieux pour les femmes. On y travaille tous les jours de huit heures à midi et d’une heure à cinq heures. Un homme nu posait, lorsque M. Julian m’a conduite dans la salle.


Mercredi 3 octobre. — Le mercredi m’étant un jour favorable et celui d’aujourd’hui n’étant pas un 4, qui m’est défavorable, je m’empresse de commencer autant de choses que possible.

J’ai ébauché au crayon une tête de trois quarts chez Julian, en dix minutes, et il me dit qu’il ne s’attendait pas à voir si bien pour une commençante. Je suis partie de bonne heure, je tenais seulement à commencer aujourd’hui. Nous allons au Bois ; je cueille cinq feuilles de chêne et vais chez Doucet qui en une demi-heure me fait un délicieux petit scapulaire bleu. Mais que désirer ?… — Être millionnaire ? Retrouver ma voix ? Obtenir le prix de Rome, en me présentant sous un nom d’homme ? Épouser Napoléon IV ? Entrer dans le grand monde ?

Je désire le prompt retour de ma voix.


Jeudi 4 octobre. — La journée est vite passée quand on dessine de huit heures à midi et d’une à cinq. Le trajet seul mange presqu’une heure et demie, et puis j’ai été un peu en retard, de sorte qu’il n’y a eu que six heures de travail.

Quand je pense aux années des années entières que j’ai perdues ! De colère on est tenté de tout envoyer au diable… Mais ce serait encore pis. — Allons, être misérable et abominable, sois contente d’être enfin arrivée à commencer ? À treize ans j’aurais pu commencer ! Quatre ans !

J’aurais fait des tableaux d’histoire, si j’avais com-