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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Je me console d’Ems en voyant combien grand-papa est heureux de me revoir, tout mourant qu’il est.

J’ai une terrible maladie. Je suis dégoûtée de moi. Ce n’est pas la première fois que je me déteste, mais cela n’en est pas moins terrible.

Détester une autre qu’on peut éviter, mais se détester soi-même ; voilà un supplice.


Samedi 24 août. — J’ai mis une heure à faire une esquisse de grand-papa couché. C’est sur une toile de 3. On dit que c’est très réussi. Seulement vous savez, ces oreillers blancs, cette chemise blanche, les cheveux blancs et les yeux mi-clos, c’est très difficile à peindre.

Il n’y a bien entendu que la tête et les épaules. Je suis contente d’avoir ce souvenir.

Après demain, je vais aller à l’atelier ; pour moins m’impatienter, j’ai nettoyé mes boîtes, rangé les couleurs, taillé les fusains. En cette semaine j’ai fait toutes mes courses.


Jeudi 29 août. — Je ne sais par quelle providence j’étais en retard et, à neuf heures, je n’étais pas encore habillée, lorsqu’on vint me dire que grand-papa allait plus mal ; je me suis habillée et suis allée à plusieurs reprises le voir. Maman, ma tante, Dina, pleurent. M. G… s’est promené librement. Je ne lui dis rien, il n’y avait pas à faire de la morale dans ces moments affreux. À dix heures le prêtre est arrivé, et au bout de quelques minutes tout a été fini.