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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

chimique, n’ont presque pas de rapport avec ma maladie. Si vous n’êtes pas des ignorants, vous devez savoir qu’on envoie à Soden les convalescents et les poitrinaires.

Hier, à six heures du matin, ma tante et moi accompagnées du docteur Tomachewsky, nous allons à Ems pour consulter les médecins de là-bas.

Nous sommes de retour.

L’Impératrice Eugénie est à Ems. Pauvre femme !


Jeudi 1er août. — Je me suis déguisée en vieille allemande aux allures bizarres, aux petites manies, et comme l’apparition de chaque nouvelle figure passionne les habitants du Kurhaus, j’ai fait sensation. Seulement je commets l’imprudence de ne rien demander au garçon ; des soupçons s’éveillent, on me suit, on me poursuit, et c’est fini.

Je vous assure que c’est triste de faire crever de rire vingt-cinq personnes et de ne pas s’amuser soi-même.


Vendredi 2 août. — Je pense à Nice, ces derniers jours… J’avais quinze ans et comme j’étais jolie ! Ma taille, mes pieds, mes mains n’étaient peut-être pas formés, mais ma figure était ravissante… Depuis, elle ne l’a jamais été… À mon retour de Rome, le comte Laurenti m’a fait presque une scène…

— Votre figure a changé, me disait-il, les traits, la couleur sont comme avant ; mais ce n’est plus la même chose… Vous ne serez plus jamais comme sur ce portrait.

Il parlait du portrait où j’ai les coudes sur la table et la joue appuyée sur les mains. — Vous avez l’air d’être arrivée là, de vous être appuyée, vos yeux fixés