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JOURNAL

monde et qui ne veut rien dire. Ce qui me fait plaisir, c’est que je prends l’habitude de causer avec tout le monde : c’est nécessaire si l’on veut avoir un salon convenable. Avant j’en prenais un et je laissais là les autres, ou à peu près.


Samedi 27Dimanche 28 avril. — J’ai eu la folle idée de laisser inviter des hommes à la messe de minuit de notre église.

À droite, se tenait l’ambassadeur, le duc de Lenchtemberg et sa femme, Mme Akenfieff, le duc est le fils de la grande-duchesse Marie, morte à Florence, et neveu de l’Empereur. Ce couple était à Rome lorsque j’y étais et on ne recevait pas Mme Akenfieff à l’ambassade. À présent, elle joue parfaitement la grande-duchesse ; d’ailleurs c’est une femme encore belle et très majestueuse quoique très maigre. Eh bien, le mari est toujours aux petits soins pour la femme ; c’est admirable et tout à fait charmant.

L’ambassade a offert un souper de Pâques qui a eu lieu après la messe à 2 heures après minuit, dans la maison du prêtre, qui étant tout près de l’église a été préférée pour ce soir-là. Mais c’est l’ambassadeur qui envoie les invitations et qui reçoit ; nous avons donc eu la chance de nous asseoir à la même table que le grand-duc, sa femme, l’ambassadeur et tout ce qu’il y a de mieux en fait de Russes, à Paris.

J’étais triste et pas fâchée au fond, parce que ça va me rejeter dans mes études avec une ardeur nouvelle.

Pourquoi le prince Orloff, qui est veuf, ne tombe-t-il pas amoureux de moi, et ne m’épouse-t-il pas ? Je serais ambassadrice à Paris, presque Impératrice. M. Anitchkoff, qui était ambassadeur à Téhéran, a bien