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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

et à vingt ans, je verrai déjà si mes espérances sont fondées.


Samedi 2 mars. ― Robert-Fleury a été bien content de moi ce matin.


Lundi 4 mars. ― Depuis samedi mon chien est perdu. J’espérais toujours qu’il reviendrait.

Mon pauvre chien, si j’avais de la place pour quelque sentiment, j’en serais désolée.

Mon pauvre chien perdu !

Si je devais mourir pour tout ce qui me manque, pour tout ce que je n’ai pas !

Maintenant, je crois que je suis un être incompris !

C’est la chose la plus abominable qu’on puisse penser de soi.

Cent mille prétentions dont aucune n’est justifiée. On se cogne partout et l’on se fait des bleus.


Mardi 12 mars. ― Quand je pense à Pincio, qui est bien perdu maintenant, mon cœur se serre.

Je l’aimais beaucoup et le perdre me fait presque autant de peine que la mort de Walitzki.

Surtout quand je pense que l’animal est entre des mains étrangères, qu’il s’ennuie après moi, et que je ne verrai plus sa petite physionomie et ces yeux et ce nez noirs si extraordinaires… Bon, je me fais pleurer à présent.

Oh ! sapristi, mille noms d’un tout ce que vous voudrez ! je crois bien que j’aimerais mieux voir C… ou n’importe qui blessé, malade, au diable, que de ne plus voir mon chien qui m’aimait tant. J’en ai du vrai chagrin et je me moque de tout le reste.