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JOURNAL

Mardi 11 décembre. — Grand-papa ne peut plus parler… C’est horrible de voir cet homme qui, il y a si peu de temps, était encore fort, énergique, jeune, de le voir comme ca… presque un cadavre !…

Je continue à dessiner les os. Je suis plus que jamais avec Breslau, Schœppi, etc., la Suisse enfin.


Mercredi 12 décembre. — À une heure le prêtre et le diacre sont venus et l’on a administré grand-papa. Maman pleurait et priait tout haut ; après… je suis allée déjeuner. Ce que c’est que la bête qui est forcément dans chaque homme.


Samedi 15 décembre. — Naturellement Breslau a eu un succès énorme ; c’est qu’elle dessine bien. Et moi on a trouvé du très bon dans ma tête et du pas mal dans l’académie.

Je suis… je ne sais quoi. Breslau dessine depuis trois ans et moi depuis deux mois… c’est égal ! c’est indigne. Ah ! si j’avais commencé il y a trois ans, il y a trois ans seulement, ce n’est pas énorme, je serais connue à l’heure qu’il est !

Il se joue à l’atelier une comédie. On avait organisé une quête pour offrir à M. Robert-Fleury et à Julian, la photographie de toutes les élèves de l’atelier. Juste au même moment, l’Espagnole s’oubliant à force de vouloir être une sorte de directrice, fait une impertinence à Breslau ; celle-ci riposte et l’atelier se divise.

Les Suissesses, au nombre de cinq, une pour toutes, toutes pour une ! On ne parle plus à l’Espagnole. Les descendantes de Guillaume Tell refusent de prendre part à la souscription et se fâchent tout à fait ; je les ramasse dans l’antichambre et leur tiens un discours qui leur démontre la stupidité de leur conduite ; en