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JOURNAL

mademoiselle, et si vous travaillez, je vous assure que vous arriverez à quelque chose de pas mal du tout.

Pas mal du tout est le terme consacré.

Je crois qu’il a dit : « Il y en a bien qui ayant déjà dessiné n’en font pas autant, » mais je ne suis pas assez sûre pour écrire une phrase aussi flatteuse.

J’avais perdu Pincio, et le pauvre animal, ne sachant que devenir, est revenu m’attendre à l’atelier où il a l’habitude de m’accompagner. Pincio est un petit chien romain, chien loup, blanc comme la neige, les oreilles droites, des yeux et un nez noirs comme de l’encre.

Je déteste les petits chiens blancs frisés.

Pincio n’est pas du tout frisé, et il a des poses si étonnantes, si gracieuses, tellement comme une chèvre sur un rocher, que je n’ai encore vu personne qui ne l’admirât pas.

Il est presque aussi intelligent que Rosalie est bornée. Rosalie est à la noce de sa sœur, elle est partie ce matin après m’avoir accompagnée.

— Comment, Rosalie, lui a dit maman, vous avez laissé mademoiselle seule à l’atelier ?

— Oh ! non, madame, mademoiselle est restée avec Pincio.

Je vous assure qu’elle l’a dit sérieusement.

Mais, comme je suis un peu folle, j’ai égaré ou oublié mon gardien.


Dimanche 28 octobre. — Schœppi a commencé mon portrait.

Je croyais que de pareilles créatures n’existaient pas. Il ne lui viendrait jamais à la tête qu’une personne qui lui est sympathique porte des faux cheveux et se mette de la poudre.

Un homme qui ne dit pas toujours la vérité toute nue