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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

L’autre chose, c’est simplement Dina en jupe de crêpe de Chine blanc, assise dans un grand fauteuil ancien, les bras abandonnés et les doigts entrelacés. Pose très simple, mais si gracieuse que je me suis empressée de la croquer, un soir qu’elle était ainsi par hasard et que je cherchais à la poser. Cela a un petit air Récamier et, pour que la chemise ne soit pas trop indécente, je mettrai une ceinture de couleur. Dans ce deuxième projet, ce qui me tente c’est cette simplicité complète et de beaux morceaux à peindre. Oh ! c’est une vraie volupté.

Aujourd’hui, je suis en haut. Je me sens supérieure, grande, heureuse, capable. Je crois à un avenir. Enfin, il n’y a rien à dire.


Lundi 16 février. Nous allons chez la Reine, qui est très gracieuse.

Je cherche toujours un tas de choses pour mon tableau.

Ce soir, au Théâtre-Français, la première de Daniel Rochat, de Sardou. Véritable événement. Nous avons une excellente loge de six places. Une salle superbe, du monde et le gouvernement.

Quant à la pièce, il faut que je la revoie ; il me semble qu’il y a des longueurs ennuyeuses, des conversations genevoises, ça a l’air suisse. Mais on a tant crié, applaudi, sifflé, approuvé et protesté, qu’on n’entendait que la moitié. Le héros est un grand orateur, espèce de Gambetta athée ; l’héroïne une jeune fille, anglo-américaine, protestante, très libérale, républicaine, mais croyante.

Vous voyez ce que ce sujet peut donner à l’heure actuelle.