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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

moment, mais je la pense toujours, même dans les moments joyeux. Je méprise la mort ; s’il n’y a rien là-bas… c’est tout simple, et s’il y a quelque chose, je me recommande à Dieu. Mais je ne crois pas aller au paradis, car là-bas encore se continueront les tourments d’ici ; on y est voué.


Lundi 1er septembre. — J’espère que vous vous êtes aperçu du grand changement qui se fait en moi, petit à petit. Je suis devenue sérieuse et raisonnable, et puis je pénètre plus avant dans certaines idées, je comprends plusieurs choses que je ne comprenais pas et dont je parlais selon les circonstances, sans conviction. J’ai saisi aujourd’hui, par exemple, que l’on peut avoir un grand sentiment pour une idée et qu’on l’aime, comme on s’aime soi-mème.


Le dévouement aux princes, aux dynasties me touche, m’enflamme, me fait pleurer et me ferait peut-être agir sous l’impulsion directe de quelque chose d’émouvant ; mais il y a au fond de moi un sentiment qui m’empêche absolument de m’approuver dans toutes ces fluctuations cardialgiques. Chaque fois que je pense aux grands hommes qui ont servi d’autres hommes, mon admiration pour eux boite et se dissipe. C’est une espèce de sotte vanité peut-être, mais je trouve presque méprisables tous ces… serviteurs, et je ne suis réellement royaliste qu’en me mettant à la place du roi. Et, voyez-vous, Gambetta n’est pas un vulgaire ambitieux ; il faut que l’intuition qui me le fait penser soit forte et motivée, pour que je le dise sincèrement, après avoir été pendant trois ans bercée par la presse réactionnaire.

Pour moi, je veux bien encore me voir inclinée de-