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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Elysées, tous les nouveaux, les beaux quartiers, enfin, que j’exècre, qui me donnent sur les nerfs. Mais là-bas, dans le faubourg Saint-Germain, on se sent tout autrement.

On voyait l’école des Beaux-Arts. C’est à faire crier.

Pourquoi ne puis-je aller étudier là ? Où peut-on avoir un enseignement aussi complet que là ?! Je suis allée voir l’exposition des prix de Rome. Le second a été gagné par un élève de chez Julian. Julian est très heureux. Si jamais je suis riche, je fonderai une école pour les femmes.


Samedi 26 octobre. — Ma peinture est beaucoup mieux et mon académie très bien. M. T… a jugé le concours : première ; Breslau, deuxième, moi.

Bref, je dois être contente.

Ce matin, comme Robert-Fleury me parlait, dans le coin, des cartons pour ma sculpture, je l’écoutais comme un bébé, l’air ingénu, les joues changeant de couleur, les mains embarrassées ; il ne pouvait s’empêcher de sourire tout en parlant, et moi aussi, car je pensais que je sentais la violette fraiche, que mes cheveux naturellement ondulés, secs et légers, étaient délicieusement éclairés et que mes mains tenant je ne sais quoi avaient des poses amusantes.

Breslau dit que la façon dont mes mains touchent les objets est une beauté, quoique je n’aie pas les mains classiquement belles.

Mais il faut être artiste pour démêler cette beauté ; les bourgeois ou les gens du monde ne font pas attention à la façon dont on empoigne les objets, et préféreront des mains potelées et même grasses aux miennes.

Entre dix et onze heures, j’ai eu le temps de