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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Dimanche 23 janvier. — Ah ! comme je m’ennuie ! Si au moins nous étions tous ensemble ! Quelle folle idée de se séparer ainsi ! Il faut toujours être ensemble, les ennuis sont moindres, on se sent mieux. Jamais, jamais on ne se partagera plus en deux. Nous serions cent fois mieux ensemble, grand-papa, ma tante, tout le monde et Walitsky.


Lundi 7 février. — Au moment où nous descendons de voiture à la porte de l’hôtel, je vois deux jeunes Romains qui nous regardent rentrer. Aussitôt nous nous mettons à table et les hommes se postent au milieu de la place et regardent nos fenêtres.

Maman, Dina et les autres en riaient déjà ; mais moi, plus prudente, craignant de m’animer pour deux faquins peut-être, car je n’étais pas sûre que ces hommes fussent les mêmes que ceux de la porte de l’hôtel, j’envoyai Léonie dans une boutique en face, en lui recommandant de bien examiner les deux personnes et de venir me les décrire. Léonie revient et me décrit le plus petit. « Ce sont des messieurs tout à fait comme il faut, » dit-elle. — De ce moment on ne fait qu’aller aux fenêtres, regardant au travers des jalousies, et faire de l’esprit sur ces deux malheureux qui sont exposés à la pluie, au vent et à la neige.

Il était six heures quand nous sommes rentrées et ces deux anges sont restés jusqu’à onze heures moins un quart sur la place à nous attendre. Mais quelles jambes il faut avoir pour rester cinq heures debout !


Lundi 14 février. — L’Italien, selon sa coutume, est venu ce soir, Maman a envoyé Fortuné acheter du papier. Ce monsieur a arrêté Fortuné et lui a parlé, et