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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Nous arrivons avec une sublime confiance sous la colonnade droite, j’écarte, non sans peine, la foule de guides qui nous entoure, et au bas de l’escalier je m’adresse au premier soldat venu et lui demande : son Éminence. Ce soldat me renvoie au chef, qui me donne un autre soldat assez drôlement mis, qui nous fait monter quatre énormes escaliers de marbre de différentes couleurs, et nous arrivons enfin dans une cour carrée qui, à cause de l’inattendu, m’impose beaucoup. Je ne supposais pas une pareille vue dans l’intérieur d’un palais quel qu’il soit, bien que je sache, d’après des descriptions, ce que c’est que le Vatican.

En voyant cette immensité, je ne voudrais pas qu’on détruisît les papes. Ils sont déjà grands pour avoir fait une telle grandeur, et dignes d’être honorés pour avoir employé leur vie, leur puissance et leur or à laisser à la postérité ce-colosse abracadabrant qu’on nomme le Vatican.

Dans cette cour nous trouvons des soldats ordinaires, et un officier et deux gardes vêtus comme des valets de carte. Je demande encore son Éminence. L’officier me prie poliment de donner mon nom, je l’écris, on l’emporte et nous attendons. J’attends, tout en admirant notre absurde escapade.

L’officier me dit que l’heure est mal choisie, que le cardinal est à table, et fort probablement il ne pourra recevoir personne. En effet, l’homme revient et nous dit que son Éminence vient de se retirer dans son appartement et ne peut pas recevoir, se sentant un peu indisposée ; mais que, si nous voulons avoir la complaisance de laisser la carte en bas et de revenir « demain matin », elle nous recevra probablement.

Et nous partons, tout en riant de notre petite visite au cardinal Antonelli.