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JOURNAL

crois trop admirable pour me censurer. — Vous pouvez donc être certains, charitables lecteurs, que je m’étale dans ces pages tout entière. Moi comme intérêt, c’est peut-être mince pour vous, mais ne pensez pas que c’est moi, pensez que c’est un être humain qui vous raconte toutes ses impressions depuis l’enfance. C’est très intéressant comme document humain. Demandez à M. Zola et même à M. de Goncourt, et même à Maupassant ! Mon journal commence à douze ans et ne signifie quelque chose qu’à quinze ou seize ans. Donc il y a une lacune à remplir et je vais faire une espèce de préface qui permettra de comprendre ce monument littéraire et humain.

Là, supposez que je suis illustre. Nous commençons :

Je suis née le 11 novembre 1860. C’est épouvantable rien que de l’écrire. Mais je me console en pensant que je n’aurai certainement plus d’âge lorsque vous me lirez.

Mon père était le fils du général Paul Grégorievitch Bashkirtseff, d’une noblesse de province, brave, tenace, dur et même féroce. Mon aïeul a été nommé au grade de général après la guerre de Crimée, je crois. Il a épousé une jeune fille, fille adoptive d’un très grand seigneur ; elle mourut à trente-huit ans, en laissant cinq enfants : mon père et quatre sœurs.

Maman s’est mariée à vingt et un ans, après avoir