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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

tentèrent beaucoup. Notre fenêtre donne sur la place et sur l’Arno. Je me fais apporter un programme des fêtes ; le premier jour était aujourd’hui. Je croyais que mon cousin Victor-Emmanuel saurait profiter de l’occasion si belle qui lui est offerte : le centenaire de Michel Angelo Buonarroti ! Sous ton règne, faquin !!! et tu ne convoques pas tous les souverains, et tu ne leur donnes pas des fêtes comme on n’en a jamais vu ! Et tu ne fais pas tapage !!! O roi, ton fils, ton petit-fils et leurs fils régneront et n’auront pas cette occasion, ô grosse masse de chair ! O roi sans ambition, sans amour-propre ! Il y a bien des congrès de toutes sortes, des concerts, des illuminations, un bal au Casino, l’ex-palais Borghèse… mais pas un roi !… Rien comme j’aime ! rien comme je veux !…


Lundi 13 septembre. — Voyons, que je rassemble un peu mes idées. Plus j’ai à raconter, moins j’écris… C’est que je suis impatientée, énervée, quand j’ai beaucoup à dire.

Nous parcourons toute la ville en landau et en toilette. Oh ! que j’aime ces maisons sombres, ces portiques, ces colonnes, cette architecture massive, grandiose  ! Soyez honteux, architectes français, russes, anglais, cachez-vous sous terre ! Palais de pacotille de Paris, enfoncez-vous, croulez sous terre. Pas le Louvre, il est « incritiquable », mais le reste. Jamais on n’atteindra à cette magnificence superbe des Italiens. J’ouvris de grands yeux en voyant les pierres immenses du Palazzo Pitti !… La ville est sale, presque en guenilles, mais combien de beautés il y a ! Ô cité de Dante, des Médicis, de Savonarole ! que tu es pleine de superbes souvenirs pour ceux qui pensent, qui sentent, qui savent ! Que de chefs-d’œuvre !