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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

que je ne partirai plus, chacun plie devant moi, et je fais la capricieuse.


Lundi 2 août. — Après une journée de magasiniers, de couturiers et de modistes, de promenade et de coquetterie, je passe un peignoir et lis mon bon ami Plutarque.

J’ai une imagination gigantesque ; je rêve les galanteries des siècles passés et, sans m’en douter, je suis la plus romanesque des femmes, et que c’est malsain !

Je me pardonne très facilement l’adoration pour le duc, car je le trouve digne de moi sous tous les rapports.


Mardi 17 août. — J’ai rêvé de la Fronde ; je venais d’entrer au service d’Anne d’Autriche, elle se défiait de moi, et je la conduisais au milieu du peuple mutiné, en criant : Vive la Reine ! et le peuple criait après moi : Vive la Reine !


Mercredi 18 août. — Nous passons la journée à m’admirer, maman m’admire, la princesse G. m’admire ; elle dit continuellement que je ressemble à maman ou à sa fille ; or, c’est le plus grand compliment qu’on puisse faire. On ne pense de personne mieux que de soi. C’est que, vraiment, je suis jolie. À Venise, dans la grande salle du Palazzo Ducal, la peinture du plafond par Paul Véronèse représente Venise sous les traits d’une femme grande, blonde, fraîche ; je rappelle cette peinture. Mes portraits photographiques ne pourront jamais bien me représenter, la couleur manque, et ma fraîcheur, ma blancheur sans pareilles sont ma principale beauté. Mais qu’on me mette de mauvaise humeur, qu’on me mécontente en quelque chose, que je