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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

vides !… Tout ce qui m’attachait à Nice, c’était lui, je hais Nice et la supporte à peine. ! Je m’ennuie ! Ah ! je m’ennuie !…

Mon âme rêveuse
Ne songe qu’à lui.
Je suis malheureuse,
L’espoir a fui…

Mon Dieu, sauvez-moi du malheur ! Mon Dieu, pardonnez-moi mes péchés, ne me punissez pas ! C’est fini !… fini !… Ma figure devient violette lorsque je pense que c’est fini !…

Aujourd’hui, je suis heureuse, je suis gaie de pouvoir croire que ce n’était pas vrai, parce que la terrible nouvelle n’a pas été répétée, et je préfère l’ignorance à la triste vérité.


Vendredi 17 octobre. — Je jouais du piano, lorsqu’on apporta les journaux ; je prends le Galignani’s Messenger, et les premières lignes qui tombent sous mes yeux parlaient du mariage du duc de H…

Le journal ne tomba pas de mes mains, au contraire, il y resta collé, attaché. Je n’avais pas la force de rester debout, je m’assis et je relus ces lignes foudroyantes encore dix fois, pour bien m’assurer que je ne rêvais pas. Ô charité divine ! qu’ai-je lu ? Mon Dieu ! qu’ai-je lu ! Je ne puis écrire le soir, je me jette à genoux et je pleure. Maman entre et, pour qu’elle ne me voie pas ainsi, je feins d’aller voir si le thé est prêt. Et je dois prendre une leçon de latin ! Ô torture !