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JOURNAL

Samedi 1er septembre. — Je suis beaucoup toute seule, je pense, je lis sans guide aucun. C’est peut-être bien, mais c’est peut-être mal aussi.

Qui me garantit que je ne suis pas pavée de sophismes et remplie d’idées erronées ! C’est de quoi on jugera après ma mort.

Pardon, pardonne. Voilà un mot et un verbe beaucoup employés dans ce monde. Le christianisme nous ordonne le pardon.

Qu’est-ce que le pardon ?

C’est la renonciation à la vengeance ou à la punition. Mais lorsqu’on n’avait eu l’intention ni de se venger, ni de punir, peut-on pardonner ? Oui et non. Oui, parce qu’on se le dit et le dit aux autres et qu’on agit comme și l’offense n’avait pas existé !

Non, parce qu’on n’est pas pas maître de sa mémoire, et tant qu’on se souvient, on n’a pas pardonné.

J’ai passé toute la journée dans la maison d’en face avec les miens, où j’ai raccommodé avec mes propres doigts un soulier de cuir de Russie à Dina ; ensuite j’ai lavé une grande table de bois, comme la première fille de chambre venue, et sur cette table je me mis à faire des Varéniki (pâte faite de farine, d’eau et de fromage frais). Les miens se sont amusés à me voir pétrissant de la farine mouillée, les manches retroussées et une calotte de velours noir sur la tête « comme Faust ».

Et puis j’ai mis un paletot Robespierre couleur caoutchouc blanc, et je suis allée avec Dina étonner la Tyrolienne qui vend un tas de petites choses en lui demandant la tête morte de M… Elle ne comprenait pas, je lui acheté un ours et nous sommes parties.

Dimanche 2 septembre. — Comment des gens libres