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JOURNAL

La fin du roman m’a attristée et pourtant j’accep terais à l’instant le sort de Gioja. D’abord, elle adorait Roime ; ensuite, elle. a aimé de toute son âme. Et si elle a été abandonnée, c’était par lui, si elle a souffert, c’était à canse de lui. Et je ne comprends pas qu’on puisse se trouver malheureuse de quoi que ce soit venant de celui qu’on aime… comme elle aimait et comme je pourrai aimer, ši j’aimne jamais !… Elle n’a jamais su qu’il ne l’avait prise que par caprice.

— « Il m’a aimée, disait-elle, c’est moi qui n’ai pas su comment le retenir. » Elle a eu la gloire. Son nom a été répété avec une admiration mêlée de stupeur. Elle n’a jamais cessé de l’aimer, il n’est jamais descendu au rang des autres hommes pour elle, elle l’a toujours cru parfait, presque immortel, elle ne voulut pas mourir alors « parce qu’il vit ». Comment peut-on se tuer, quand celui qu’on aime ne meurt pas ? disaitelle. Et

elle est morte dans ses bras en l’entendant dire : Je vous aime.

Mais pour aimer ainsi, il faut trouver Hilarion. L’homme que vous aimerez ainsi ne doit pas être issu on ne sait de quelle famille. Hilarion était fils d’un noble autrichien et d’une princesse grecque. L’homme que vous aimerez ainsi ne doit jamais avoir besoin d’argent, ne doit jamais être un joueur faible ou un homme qui a peur de quoi que ce soit au monde. Lorsque Gioja s’agenouillait et baisait ses pieds, j’aime à croire que ses ongles étaient roses et qu’il n’avait pas de cors.

C’est que la voilà, la terrible réalité ! Cet homme enfin ne doit jamais éprouver de diffi-