Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/379

Cette page n’a pas encore été corrigée
376
JOURNAL

Je ne veux pas parler d’amour, parce que j’ai usé ces mots pour rien. Je ne veux plus invoquer Dieu, je eux mourir.

Mon Dieu Seigneur Jésus-Christ, faites-moi mourir ! J’ai peu vécu, mais l’enseignement est grand : tout m’a été contraire. Je veux mourir, je suis incohérente et saccagée comme mes écrits, je me déteste comme tout ce qui est misérable. Mourir… mon Dieu ! Mourir ! J’en ai assez ! Une mort bien douce, mourir en chantant quelque bel air de Verdi ; aucune méchanceté ne se réveille comme avant, je voulais vivre exprès pour que les autres ne jouissent et ne triomphent pas. A présent cela m’est égal, je souffre trop. Dimanche 1°r avril. — Je suis comme le chimiste patient et infatigable qui passe des nuits devant ses cornues pour ne pas perdre l’instant attendu et désiré. Il me semble que cela va arriver tous les jours et je pense et j’attends… et que sais-je ?.. Je m’examine curieusement et avec des yeux ébahis, je me demande avec anxiété, est-ce que par hasard ce serait cela ? Mais je me suis fait une telle opinion de cela, que j’en suis arrivée à croire que cela n’existe pas ou bien que cela a déjà été et que ça n’a rien de fameux. Mais alors toutes mes imaginations, et les livres et les poètes ?… Auraient-ils eu l’audace d’inventer quelque chose qui n’existe pas pour en couvrir la saleté naturelle ? Non… autrement on ne s’expliquerait pas Jes préférences…

NAPLES. Vendredi 6 avril. — Le Roi (Victor-Emmanuel) est arrivé hier, et ce matin à dix heures il cst venu faire une visite au Prince de Prusse. Au mo-