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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Alors on parla de Tutcheff, je la traitai de la dernière façon, la menaçant d’un procès en diffamation. Qu’on s’attaque à ma famille, à ma mère, elles peuvent se défendre ! Mais qu’on ne me touche pas, car, aussi vrai que je suis une créature sans défense qu’il est lâche de calomnier, je me vengerai vaillamment ! Et ça pour une excellente raison, parce que je ne crains rien.

SAN REMO. Samedi 23 décembre. — Si j’emmenais mon père ? Il y consent, mais avec maman, pour deux jours. En attendant maman, à qui j’ai télégraphié de venir, je passe quelques heures à la villa Rocca, chez la princesse Eristoff. Ma tante Romanoff, héroique créature, reste seule à s’ennuyer à l’hôtel. Elle ne veut naturellement pas se.mêler aux gens que je fréquente. Mais voyez-vous le rôle que joue cette femme pour mon caprice ? je l’adore. Lundi 25 décembre.

Nous sommes partis hier de San Remo, mon père, ma mère et moi. Ce que j’ai pensé durant le voyage ?..mais de charmantes réveries, des fantaisies dans les nuages, dominaient tous les autres sentiments et me composaient comme d’habitude une vie détachée des choses humaines. Etat fort agréable, interrompu par l’arrêt du train auprès de la station d’Albiasola, à cause de l’éboulement de la voie. Il fallut descendre, empoigner son bagage et marcher quelques minutes à la rencontre d’un train qui était venu nous chercher. Le tout à la lueur tremblante de torches, ce qui, sur’un horizon noir et au bruit des flots en courroux, a été pittoresque. Cet accident nous fit lier conversation avec nos compagnons de voyage, dont un militaire.