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JOURNAL

graphe a dit : « Si cette fois cela réussit, je serai content. » Nous sortons sans savoir le résultat.

Après la dernière promenade en ville, nous arrivons à temps et nous partons.

Un orage éclate ; les éclairs sont terribles, parfois ils tombent sur la terre au loin, et laissent une ligne argentée sur le ciel, mais étroite comme une chandelle romaine.

Nice. — Je regarde Nice comme un exil ; surtout je dois m’occuper de régler les jours, les heures des professeurs. Lundi je recommence mes études si infernalement interrompues par Mlle Colignon.

Avec l’hiver viendra le monde, avec le monde la gaieté. Ce ne sera plus Nice, mais un petit Paris, et les courses ! Nice a son bon côté. Tout de même les six ou sept mois qu’il faut passer me semblent une mer qu’il faut traverser et sans quitter des yeux le phare qui me guide. Je n’espère pas aborder, non, je n’espère que voir cette terre, et la seule vue me donnera du caractère, de la force pour vivre jusqu’à l’année prochaine. Et après ? Et après !… ma foi, je n’en sais rien !… mais j’espère, je crois en Dieu, en sa bonté divine, voilà pourquoi je ne perds pas courage.

« Celui qui habite sous sa protection trouvera son repos dans la clémence du Tout-Puissant. Il te couvrira de ses ailes ; sous leur appui, tu seras en sûreté, sa vérité te servira de bouclier, tu ne craindras ni les flèches qui parcourent les airs pendant la nuit, ni les fléaux pendant le jour ! »

Je ne puis exprimer combien je suis émue et combien je reconnais la bonté de Dieu envers moi.