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JOURNAL

l’histoire de Russie, avec grand-papa, pour me remettre en état. Je déteste être… sensible… Dans une jeune fille cela frise…, un tas de choses… triviales. Grand-papa est une encyclopédie vivante. Je connais quelqu’un qui m’aime, qui me comprend, qui me plaint, qui emploie toute sa vie à me rendre plus heureuse, quelqu’un qui fera tout pour moi et qui réussira, quelqu’un qui ne me trahirajamais plus, bien qu’il m’ait trahie avant. Et ce quelqu’un, c’est moi-même. N’attendons rien des hommes, nous n’en aurions que déceptions et chagrin. Mais croyons fermement en Dieu et en nos propres forces. Et, ma foi, puisque nous sommes ambitieuse, justifions nos ambitions par quelque chose. Lundi 18 décembre. — Hier on me réveille par

une carte de mon père avec ces mots : « Jesuis à l’hôtel du Luxembourg avec mes seurs ; si tu peux, viens de suite. »

D’après le conseil de mes mères, à une heure juste je me rends à cette invitation et avant d’entrer, encore je demande si c’est convenable ? Pour toute réponse la tante Hélène et mon père de malheur viennent à la voiture et m’emmènent fort tendrement chez eux. La tante Hélène et la princesse, ne se mélant de rien, me parlent du cardinal et me conseillent d’aller à Rome quérir son neveu et ses écus. Ce pauvre petit, fais-je, il est là-bas. — Où ?

— En Serbie. Mais non, il est à Rome. — Peut-être est-il de retour, car on ne se bat plus : hier j’ai diné avec un volontaire russe qui arrive de Serbie.