Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

prêtre priait pour le pardon des péchés, il les énumérait tous ; puis il a prié à genoux. Tout ce qu’il disait s’appliquait si bien à moi, que je suis restée immobile, écoutant et secondant cette prière.

J’ai prié pour la deuxième fois si bien à l’église : la première, c’est le jour de l’an. La messe est devenue si banale et puis les choses qu’on y dit ne sont pas celles de tous les jours, de tout le monde. Je vais à la messe ; puis je ne prie pas. Les prières et les hymnes qu’on chante ne répondent pas à ce que disent mon cœur et mon âme. Ils m’empêchent de prier en liberté, tandis que ces Te Deum, où le prêtre prie pour tout le monde, où chacun trouve quelque chose à s’appliquer, me pénètrent.

PARIS. — Enfin j’ai trouvé ce que j’ai désiré, sans savoir quoi. Vivre, c’est Paris !… Paris, c’est vivre. Je me martyrisais parce que je ne savais pas ce que je voulais, maintenant je vois devant moi, je sais ce que je veux ! Déménager de Nice à Paris, avoir un appartement, le meubler, avoir des chevaux comme à Nice. Entrer dans la société par l’ambassadeur de Russie ; voilà, voilà ce que je veux. Comme on est heureux quand on sait ce qu’on veut ! Mais voici une idée qui me déchire, c’est que je crois que je suis laide ! C’est affreux !

Nous sommes allées chez le photographe Valéry, 9, rue de Londres ; là je vois la photographie de G… Comme elle est belle ! Mais dans dix ans elle sera vieille, dans dix ans, je serai grande ; je pourrais être plus belle, si j’étais plus grande. J’ai posé huit fois, le photo-