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JOURNAL

On n attendait que le sifflet et il ne tarda pas. — Eh bien ? fis-je.

— J’aurai encore le temps, dit l’homme vert. Le train secoué s’ébranla lentement et Pacha commença à parler fort vite, mais ne sachant pas ce qu’il disait.

— Au revoir, au revoir, sautez donc ! Oui, adieu, au revoir ! Et il sauta sur la plate-forme, après m’avoir baisé encore une fois la main. Baiser de chien fidèle et respectueux. Eh

bien ! eh bien ! criait mon père du coupé, car nous étions dans le corridor du wagon. Je vins auprès de lui, mais si affligée de la douleur dont j’étais la cause, que je me couchai aussitôt et fermai les yeux pour songer à mon aise. Pauvre Pacha ! cher et noble enfant, si je regrette quelque chose en Russie, c’est ce ceur d’or, ce caractère loyal, cet esprit droit. Suis-je vraiment affligée ? Oui. Comme s’il était possible d’être insensible au juste orgueil d’avoir un pareil ami.

Gette nuit de mardi à mercredi, j’ai dormi fort bien dans un lit, comme à l’hôtel. Je suis à Vienne. Physiquement parlant, mon voyage a été parfait, j’ai bien dormi, bien mangé et je suis propre. C’est le.principal, et possible en Russie seulement où l’on chauffe avec du bois et où les wagons ont des cabinets de toiletle. Mon père a été très passable ; nous avons joué aux