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JOURNAL

sous vos yeux, prennent une parcelle de votre vie et semblent une partie de votre existence. Moquez-vous ! Les sentiments les plus subtils sont les plus facilement ridiculisés. Et où la moquerie règne, la suprême finesse du sentiment disparaît. Mercredi 1er novembre. – Aussitôt Paul sorti, je me suis trouvée seule avec cet être honnėte et admirable qui se nomme Pacha.

Alors, je vous plais toujours ? Ah ! Moussia, comment voulez— vous qu’on vous en parle !

Mais simplement. Pourquoi ces réticences ? Pourquoi ne pas étre simple et franc ? Je ne me moquerai pas ; si je ris, ce sont les nerfs et rien d’autre. Alors je ne vous plais plus ?…

Pourquoi ? Ah ! mais, pour, pour… je. ne sais plus. On ne peut pas se rendre compte de cela. Si je ne vous plais pas, vous pouvez le dire, vous êtes assez franc pour cela, et moi, assez indifférente… Voyons, est-ce le nez ? ou les yeux ? — On voit que vous n’avez jamais aimé. Pourquoi ?

— Parce que du moment où l’on analyse les traits, où le nez prime les yeux, ou les yeux la bouche… cela veut dire qu’on n’aime pas. — C’est tout à fait vrai ; qui vous l’a dit ? Personne.

— — Ulysse ?

Non… reprit-il ; on ne sait pas ce qui plait…je vous dirai franchement…c’est votre air, vos manières, votre caractère surtout.

— Il est bon ?