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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

et nous nous mettons en voiture avec maman, et nous retournons je ne sais où…

Que veut dire ce rêve ? Est-il envoyé de Dieu pour m’avertir de quelque grand événement ou est-ce simplement nerveux ?

Mlle C… part demain. C’est tout de même un peu triste ; même un chien avec lequel on a vécu nous fait de la peine en partant. Malgré les relations, bonnes ou mauvaises, j’ai un ver dans le cœur.

En passant devant la villa de Gioia, la petite terrasse à droite attira mon attention. C’est là que l’année dernière, en allant aux courses, je le vis assis avec elle. Il était assis de sa manière habituelle, noble et légère en même temps, un gâteau à la main. Je me souviens si bien de toutes ces bagatelles !

En passant nous l’avons regardé ; lui aussi. Il est le seul dont maman parle, elle l’aime beaucoup et j’en suis charmée. Elle a dit « Vois, si H… mange des gâteaux, c’est tout naturel, il est chez lui. » Je ne m’étais pas encore rendu compte de cette espèce de trouble en moi en le voyant. Maintenant seulement je comprends et je me souviens des moindres détails le concernant, des moindres paroles prononcées par lui.

Quand Remi vint me dire, aux courses de Bade, qu’il venait de parler au duc de H…, mon cœur eut une secousse que je ne compris pas. Puis quand, à ces mêmes courses, la Gioia était assise à côté de nous et parlait de lui, j’écoutais à peine. Oh ! combien n’aurais-je pas donné pour les entendre aujourd’hui, ces paroles ! Puis, lorsque j’ai passé devant les magasins anglais, il était là, il me regardait ayant l’air de dire :