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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

DE MARIE BAŞIKIRTSEFF. 333

je n’aime pas, mais qui est appropriée à la circonstance. La

campagne du prince est à huit kilomètres de Gavronzi, cette fameuse Dikanka chantée par Pouschkine en même temps que les amours de Mazeppa et de Marie Kotchoubey.

La propriété a surtout été embellie par le prince Victor Pavlovitch Kotchoubey, grand chancelier de l’Empire, remarquable homme d’Etat, le père du prince actuel.

Dikanka peut rivaliser, comme beauté de jardin, de parc, de bâtiments, avec les villas Borghèse et Doria à Rome. Sauf les débris antiques inimitables et irremplaçables, Dikanka est peut-être plus riche, presque une petite ville. Je ne compte pas les cabanes de paysans, je ne parle que de la maison et des dépendances. Je suis émerveillée de trouver cetle résidence en pleine Petite Russie. Et quel dommage ! on en ignore même l’existence. Il y a plusieurs cours, des écuries, des fabriques, des machines, des ateliers… Le prince a la manie de bátir, de fabriquer, d’orner. Mais, la porte de la maison ouverte, toute ressemblance italienne disparaft. L’antichambre est mesquine par rapport au reste, et on ne voit qu’une belle maison de grand seigneur, mais de cette splendeur, de cette majesté, de cet art divin, qui vous ravissent l’âme dans les palais italiens… point.

Le prince est un homme de cinquante à cinquantecinq ans, veuf depuis deux années, je crois. Le type du grand seigneur russe, un de ces hommes de l’ancien temps qu’on commence à regarder comme des animaux d’une autre espèce que la nôtre. Ses manières et sa conversalion me rendirent un peu confuse au commencement, abrutie comme je le suis ;