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JOURNAL

Parce que tu ne me connais pas ! Mais je te le jure, je te jure que c’est vrai. Devant cette image de ma grand’mère, devant cette croix, la bénédiction de mon père, et il se signa devant l’image et la croix suspendue au-dessus du lit.

— Peut-être est-ce, reprit-il, parce que je me l’imagine toujours jeune comme alors, parce que je vis de l’imagination du passé. Lorsqu’on nous a séparés, j’ai été comme fou, je suis allé à pied en pèlerin prier la Vierge d’Ahtirna, mais on dit que cette Vierge porte malheur et c’est vrai, car cela s’est embrouillé davantage après. Et puis, dois-je le dire, tu riras… Quand vous demeuriez à Kharkoff, j’y allais seul en cachette, je prenais un fiacre et je guettais votre appartement, je restais là une journée pour la voir passer, et puis je m’en retournais sans être vu. Si c’élait vrai, ce serait très-touchant, dis-je. Et, dis-moi… puisque nous en sommes à parler de maman…

Est-ce que… est-ce qu’elle a de l’aversion pour moi ?

De l’aversion ! eh ! pourquoi donc ? Non, pas du tout.

C’est que… quelquefois… on a comme cela… des antipathies insurmontables. Mais non, mais non.

Enfin nous en avons parlé longuement. J’en ai parlé comme d’une sainte qu’elle est tou jours, depuis l’époque où je me souviens d’avoir com pris.

Il était tard, j’allai dormir. soupé, écrit, lu.

Ce matin à huit heures, nous allions partir pour Pol tava, quand arriva Mme Hélène K…, là mère de Pacha, une aimable bossue, un peu affectée. Chez moi, j’aurai