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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

ments dans les broussailles, car les loups préfèrent les endroits épais.

On criait là-bas de plus en plus, et quand parurent les premiers hommes,’mon ceur sautait par bonds-saccadés, je crois même que j’ai tremblé un instant ; mais les hommes ne chassaient rien devant eux, les filets se trouvèrent vides ; après l’inspection, on n’y trouva qu’un pauvre lièvre que le géant Kamenski tua d’un coup de pied, l’abominable brute ! On se complimenta sur la guigne générale et on marcha assez gaiement vers la plaine où, sous une meule de paille ou de foin, on se disposa à manger des choses salées et à boire de l’eau-de-vie. Les paysans furent régalés de moutons rôtis, de pâtés et d’eau-devie. Ça semble grandiose et ce n’est que naturel en Russie.

Ces braves animaux, non, hommes, examinaient curieusement cette créature moitié femme moitié homme, ou plutôt femme, qui portait un fusil, et leur souriait à pleine bouche. Mon père leur parla de la loi concernant les chevaux ; je crus qu’il les haranguait pour la Serbie.

Reposés, nous nous remimes dans le bois sombre, mais comme, au lieu de loups, on chassait les lièvres, il fallait marcher, marcher, marcher, — suivre les vingtneuf chiens, suivis par le chasseur que le prince Kotchoubey a envoyé hier. Le soleil parut et je serais devenue gaie, si la fatigue n’avait pas remplacé l’humidité, Au bout de deux heures de marche, nous n’avions pas vu la queue d’un liévre. Ça m’a impatientée et, trouvant notre voiture, je revins avec mon père « al paterno letto ». Je me fis frotter de parfum, m’habillai, et descendis retrouver les autres qui avaient apporté trois lièvres.