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JOURNAL

Une mère qui croit son enfant mort, et mort par sa faute, qui n’est pas certaine de sa mort et qui n’en ose rien dire de crainte de s’en assurer, cette mère retrouve tout à coup cet enfant pleuré qui a causé tant d’angoisses, qui a tant fait douter et souffrir… Çette mère-là doit ėtre heureuse. Il me semble que ce qu’elle sent doit être à peu près la même chose que ce que j’éprouve en retrouvant ma voix après chaque enrouement. Après

avoir bien ri au salon, je m’arrétai un instant et tout d’un coup j’ai pu chanter ! C’est au remède du docteur Valitsky que je dois cela. Mardi 19 septembre.

d’entendre des allusions blessantes contre les miens, et de ne pouvoir m’en offenser. J’aurais bien fermé la bouche à mon père, si ce n’était cette misérable peur de perdre mon moyen… Il est bon pour moi… Je suis bien bonne de le répéter. Comment pourrait-il agir — Je suis énervée à force autrement

envers une fille spirituelle, instruite, agréable, douce et bonne (car je suis tout cela ici et il le dit lui-mėme), qui ne lui demande rien, qui vient lui faire une visile de politesse et qui gratifie sa vanité de toutes les manières ? En rentrant dans ma chambre, j’avais envie de me jeter par terre et de pleurer, je me retins et cela a passé. C’est ainsi que je ferai toujours. Il ne faut pas accorder aux indifférents le pouvoir de vous faire souffrir. Quand je souffre, je suis humiliée ; il me répugne de penser que tel ou tel ait pu m’offenser. Eh bien, malgré tout, la vie est encore ce qu’il y a de mieux au monde.

Vendredi 22 septembre. Décidément, j’en al