Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/322

Cette page n’a pas encore été corrigée
319
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

causait à mon père la vue d’un Babanine, et je m’occupai du gentil petit.

Enfin mon père m’a conduite chez les notabilités de Poltava.

D’abord nous avons été chez la préfète. La préfète est une femme du monde, bien aimable, en vérité ; le préfet aussi, d’ailleurs. Il y avait « comité » chez lui, mais il arriva au salon, et dit à mon père qu’il n’y avait pas de comité qui tint quand il s’agissait de voir une demoiselle aussi charmante. La préfète nous reconduisit jusqu’à l’antichambre et nous nous remîmes en quête de gens convenables. Chez le vice-gouverneur, chez la directrice de l’Institut des demoiselles nòbles, chez Mmo Volkovitsky (la fille de Kotchoubey) : celle-là est très comme il faut. Puis, je pris un fiacre et j’allai chez l’oncle Alexandre qui eșt ici à l’hôtel avec sa femme et ses enfants… Ah ! qu’il fait bon se trouver parmi les siens ! on ne craint ni critique ni cancans… Peut-être. la famille de mon père me semble-t-elle froide et méchante, par contraste avec la nôtre, qui estextraordinairement liée, unie et aimante.

Parlant tantôt d’affaires, tantôt d’amour, tantôt de cancans, j’ai passé deux heures bien agréables, au bout desquelles commencèrent à m’arriver des messagers de mon père. Mais, comme je répondais que je n’étais pas encore disposée à partir, il vint lui-même et je le tourmentai encore pendant une demi-heure et plus, traînant, cherchant des épingles, mon mouchoir, etc., etc.

Enfin, nous partîmes et, lorsque je crus qu’il s’était un peu calmé, je dis : Nous avons fait une bien grande impolitesse. Et laquelle ?