Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/320

Cette page n’a pas encore été corrigée
317
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

' 317 retenir, surtout parce que je savais que c’était impossible. A

la gare, nous nous sommes trouvés avec Lola, sa mère et l’oncle Nicolas qui vinrent me voir partir. Il y avait une foule énorme à l’occasion du départ de y cinquante-sept volontaires pour la Serbie. Je parcourais la gare, tantôt avec Paul, tantôt avec Lola, tantot avec Michel, Pacha, enfin avec chacun à son tour. En vérité, Pacha n’est pas aimable, dit Lola en apprenant de quoi il était question. Alors, m’efforçant de ne pas rire, je m’approchai de l’homme vert et je lui fis un petit discours, très sec et très offensé, et comme il avait les larmes aux yeux et que j’avais envie de rire, je me retirai pour ne pas détruire l’effet produit en éclatant. On pouvait à peine circuler et c’est à grand’peine que nous parvînmes à notre coupé. Cette foule m’amusait après la campagne et je me mis à la fenêtre. On se pressait, on criait, et je regardais, et je m’arrètai court en entendant tout à coup s’élever un concert de ces voix de jeunes garçons plus belles et plus pures que celles des femmes, qui chantaient un chant d’église et qui semblaient un cheur d’anges.

C’étaient les chantres de l’archevéque qui disaient une prière pour les volontaires. Tout le monde se découvrit, et ces voix sonores et cette harmonie divine m’otèrent la respiration, et Iorsqu’ils eurent fini et que je vis tout ce monde agiter les chapeaux, les mouchoirs, les mains ; les yeux brillants d’enthousiasme et la poitrine gonflée d’émotion, je ne pus rien faire d’autre que de crier : Hourra ! comme eux et de pleurer et rire. Les cris durèrent quelques minutes et ne cessèrent | M. B.

27.