Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

je demandai une explication d’arithmétique à Mlle C… Elle m’a dit que je dois comprendre moi-même. Je lui ai fait remarquer que les choses que je ne sais pas, on doit me les expliquer. « Il n’y a pas de doit ici ! » me dit-elle — Il y a un doit partout, lui ai-je répondu. — Attendez une minute, je vais tâcher de comprendre ce premier avant de passer à l’autre. » Je lui répondais d’un ton extra calme, elle enrageait de ne pouvoir trouver rien de grossier dans mes paroles. Elle vole mon temps ; voilà quatre mois de ma vie de perdus… C’est facile à dire : Elle est malade ; mais pourquoi me faire du tort ? Elle abîme mon bonheur futur en me faisant ainsi perdre mon temps. Toutes les fois que je lui demande une explication, elle me répond d’un ton grossier ; je ne veux pas qu’on me parle ainsi ; elle est un peu enragée, surtout étant malade, cela la rend insupportable. Dans les occasions où je suis très irritée, même fâchée, il me vient un calme surnaturel. Ce ton l’a irritée, elle s’attendait à une explosion de mon côté. — « Vous avez treize ans, comment osez-vous ?… — Justement, mademoiselle, si vous dites que j’ai treize ans, je ne veux pas qu’on me parle de la sorte ; ne criez pas, je vous prie. » Elle est partie, comme une bombe, à dire toutes sortes de malhonnêtetés. Pour tout, je lui répondais placidement, elle n’en enrageait que plus. — « C’est la dernière leçon que je vous donne ! — Oh ! tant mieux ! » dis-je. Au moment où elle quittait la chambre ! j’ai poussé un soupir, comme lorsqu’on est délivré d’une centaine de livres qui étaient sur votre cou ! Je suis sortie satisfaite pour aller chez maman. Elle court dans le corridor, et elle recommence. Je continue ma tactique et ne fais pas attention. Nous avons fait le chemin du corridor à la chambre ensemble, elle comme une furie, et

   M. B.
3.