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JOURNAL

Dimanche 3 septembre (22 août). que je m’amuse. J’ai été portée dans un tapis comme Cléopâtre, j’ai dompté un cheval comme Alexandre et j’ai peint comme… quelqu’un qui n’est pas encore Raphaël.

1 paralt Le matin on s’en alla en nombreuse compagnie pêcher au filet. Étendue sur un tapis (je tiens à le dire, il ne faut pas qu’on me soupçonne de me rouler dans la poussière}, au bord de la rivière, belle et profonde en cet endroit, à l’ombre des arbres, mangeant des melons d’eau (pastèques) apportés par les crocodiles de Poltava, on a passé tant bien que mal deux heures. Et au retour, je fis Cléopâtre, on me porta dans le tapis jusqu’à la grille, et là ce furent Michel et Kapitanenko qui m’improvisèrent une litière avec leurs mains entrelacées. Et enfin Pacha me porta tout seul. Ayant ainsi épuisé tous les genres de locomotion, je me trouvai au bas du grand escalier que je montai moi-même, Michel invariablement accroché au bout de ma traîne. Je parus au déjeuner d’une façon charmante ; je parle de ma toilette. Une chemise napolitaine en crêpe de Chine bleu ciel et vieille dentelle, une très longue jupe de taffetas blanc et un grand morceau d’étoffe orientale rayée, contenant du blanc, bleu et or, mis comme un drap devant et noué derrière. Tout le reste de l’étoffe retombant naturellement comme un drap de lit dont on ferait un tablier. Vous ne sauriez imaginer quelque chose de plus joliment bizarre. Pendant que les uns s’essoufflaient à jouer aux cartes et les autres à hurler à la chaleur, je ne sais qui parla des chevaux isabelle. On vanta leur jeunesse, leur force et leur fraicheur. Depuis plusieurs jours déjà il était question de me