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JOURNAL

fats à la mode et, en deux mois, se trouve désillusionnée, désappointée.

Je ne veux pas qu’on croie qu’une fois fini d’étudier ; je ne ferai que danser et m’habiller ; non. Mais ayant fini les études de l’enfant, je m’occuperai sérieusement de peinture, de musique, de chant. J’ai du talent pour tout cela et beaucoup ! — Comme cela soulage d’écrire ! je suis plus calme. Non seulement tout cela nuit à ma santé, mais à mon caractère, à ma figure. Cette rougeur qui me vient, mes joues brûlent comme du feu, et, quand le calme revient, elles ne sont plus ni fraîches ni roses… Cette couleur qui devrait être toujours sur ma figure me fait pâle et chiffonnée, c’est la faute de Mlle C… car l’agitation qu’elle cause fait cela ; j’ai même des petits maux de tête après avoir brûlé comme cela. Maman m’accuse ; elle dit que c’est ma faute si je ne parle pas anglais ; comme cela m’outrage !

Je pense que s’il va lire un jour ce journal, il le trouvera bête, et surtout mes déclarations d’amour ; je les ai tant répétées, qu’elles ont perdu toute leur force.

Mme Savelieff est mourante ; nous allons, cher elle ; il y a deux jours qu’elle est sans connaissance et ne parle plus. Dans sa chambre, il y a la vieille Mme Paton. Je regardais le lit, et d’abord je n’ai rien vu et cherchais des yeux la malade ; puis, j’ai vu sa tête, mais elle a tellement changé que d’une femme forte elle est devenue presque maigre, la bouche ouverte, les yeux voilés, la respiration difficile. On parlait à voix basse, elle ne faisait aucun signe ; les médecins disent qu’elle ne sent rien ; mais moi, je crois qu’elle entend tout et comprend tout autour d’elle, mais ne peut ni