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JOURNAL

— Jaissez-les-moi voir. Je choisis toutes les photographies de grand-papa, de grand’maman, de maman et les miennes et les mis dans ma poche.

Qu’est-ce que cela veut dire ? s’écria Panl. Cela veut dire, répondis-je avec calme, que je reprends nos portraits, qui sont ici en trop mauvaise compagnie.

Mon frère fut prêt à pleurer, déchira en deux l’album et sortit. J’avais ainsi opéré au salon, on a vu, et mon père le saura.

Nous avons fait une grande promenade au jardin, nous avons visité la chapelle et le caveau contenant les cercueils de mon grand-père et de ma grand’mère Bashkirtseff. M… était mon cavalier, m’aidait à monter et à descendre.

Michel me suivait en imitant du geste un chien qui fait le beau avec des yeux suppliants et soumis, et en faisant sans cesse des gestes de désespoir vers Gritz. Pacha marchait en avant et, quand il me regardait, il le faisait avec des yeux tellement haineux que je détournais la tėte.

Si maman savait qu’au souper de Poltava, j’ai eu la dernière goutte d’une bouteille de champagne, par hasard, et qu’en buvant à ma santé, les bras de Nadine, d’Alexandre, de moi et de Gritz se croisèrent comme pour un mariage !… Pauvre maman, comme elle serait heureuse ! Certes Gritz fond, mais moi je fais des prières au fond de mon âme pour qu’il ne me demande pas en mariage. Borné, vaniteux et une maman du diable ! Nous nous rappelons notre enfance, le jardin public d’Odessa.

— Je vous faisais la cour alors !