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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Je suis loin de regretter d’avoir apporté trente robes, mon père doit étre pris par la vanité. En ce moment arriva M… avec une malle et un domestique. Quand il m’eut saluée, je répondis aux compliments d’usage et m’en allai changer de costume, en disant : « Je reviens. » Je revins vêtue d’une robe de gaze orientale avec deux mètres de queue, un corsage de soie ouvert devant à la Louis XV et attaché par un grand neud blanc. La jupe est naturellement carrée.

tout unie et la traîne M… me parla toilette, admirant la mienne. On le dit bête et il parle de tout, de la musique, des arts, des sciences. Il est vrai que c’est moi qui parle et il ne fait que dire : « Vous avez parfaitement raison, c’est juste. »

Je me taisais quant à mes études, craignant de l’effaroucher. Mais j’ai été provoquée à table ; j’ai cité un vers latin et me suis étendue sur la littérature classique et les imitations modernes, avec le docteur. Et on s écria que j’étais étonnante et qu’il n’y avait rien au monde dont je ne pusse parler, aucun sujet de conversation où je ne fusse à mon aise. Papa faisait des efforts héroïques pour renfermer les rayons de son orgueil. Ensuite un poulet aux truffes provoqua un discours culinaire dans lequel je montrai une science gastronomique qui fit ouvrir les yeux et la bouche encore plus à M… Et alors passant à la sophislication, je me mis à expliquer toute l’utilité de la bonne cuisine, soutenant qu’elle faisait les hommes vertueux. Je montai au premier. Les salons sont très grands, surtout la salle de bal ; on y a placé le piano hier seulement. H.

B. 24.