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JOURNAL

C’est étrange, Moussia, me dit-il, comme on se lie vite quand on n’est pas guindé. Avant-hier je disais Maria Constantinovna, hier Mademoiselle Moussia et aujourd’hui…

— Moussia tout simplement, et je vous l’ai ordonné. — Il me semble que nous avons toujours été ensemble, tant vos manières sont simples et engageantes. — N’est-ce pas ?

Je m’amusais à parler aux paysans que nous rencontrions sur la route et dans la forêt, et figurez-vous, (figurez-vous, expression de portier) je parle petit russien très pas-ablement.

Le Vorsklo, rivière qui passe dans le village de mon père, est si peu profond en été qu’on le traverse à pied, mais au printemps c’est un fleuve. Il me prit la fantaisie de faire barboter mon cheval dans l’eau et, relevant mon amazone, j’entrai tout à fait dans la rivière. C’est agréable à éprouver et ravissant à voir. Le cheval en avait jusqu’aux genoux. J’étais échauffée par le soleil et la course, et j’ai essayé ma voix qui est en train de revenir peu à peu. J’ai chanté le Lacrymosa de la messe funèbre, comme à Rome.

Mon père nous attendait sous la colonnade et nous examinait avec satisfaction. Eh bien, vous ai-je trompé et suis-je mal en amazone ? Demandez à Pacha comment je monte. Suis-je bien ?

G’est vrai, oui, hum !… très bien, vraiment.. Et il m’examinait avec satisfaction.