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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

On riait de nous et Gritz disait qu’il n’épouserait jamais une autre femme que moi ; à quoi un monsieur ne manquait jamais de répondre : — Oh ! oh ! quel garçon ! il veut un ministre pour femme.

Les M… nous reconduisirent jusqu’au bateau à vapeur qui devait nous conduire à Vienne. J’étais excessivement coquette, quoique toute petite, j’avais oublié mon peigne et Gritz me donna le sien, et au moment des adieux nous nous sommes embrassés avec la permission des parents. « Jours fortunés de notre enfance Où nous disions, maman, papa ! Jours de bonheur et d’innocence, Ah ! que vous êtes loin déjà. » — Vous savez, adorable cousine, Gritz est un peu bête et un peu sourd, dit Michel E…, pendant que M… montait les marches de la galerie du restaurant. Je

le connais bien, cher gommeux, il n’est pas plus bête que vous et moi, et il est un peu sourd à cause d’une maladie et surtout parce qu’il met de la ouate dans ses oreilles de peur de se refroidir. Plusieurs personnes déjà s’étaient approchées et ont serré la main à mon père, grillant d’être présentéès à la fille qui arrive de l’étranger, mais mon père n’en fit rien, me faisant des grimaces de dédain. Je craignais déjà qu’il n’en fût de même avec Gritz. Marie, permettez-moi de vous présenter Grigori Lvovitch M…, dit-il. Nous nous connaissons depuis longtemps, dis-je en tendant gracieusement la main à mon ami d’enfance, —