Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 1.pdf/272

Cette page n’a pas encore été corrigée
269
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

A deux heures nous sommes partis pour Poltava. Ce matin déjà nous avons eu une escarmouche à l’occasion des Babanine, et en voiture mon père s’est permis de les insulter au nom de son bonheur perdu, accusant en tout grand’maman. Le sang m’est nionté au visage et je lui dis durement de laisser les morts dans leur tombeau.

Laisser les morts ! s’écria-t-il, mais c’est-à-dire que si je pouvais prendre les cendres de cette femme et les…..

Taisez-vous, mon père ! Vous êtes un impertinent et un mal élevé !

Chocolat peut être un impertinent, mais pas moi ! Vous, cher pėre, et tous ceux qui manquent de délicatesse et d’éducation ! Je ne veux pas qu’on parle ainsi. Si j’ai la délicatesse de me taire, il est ridicule que les autres se plaignent. Vous n’avez rien à faire avec les Babanine, mêlez-vous des affaires de votre femme et de vos enfants ; quant aux autres, n’en parlez pas comme je ne parle pas, moi, de vos parents à vous. Appréciez mon savoir-vivre et faites-en autant. Tout en parlant ainsi, j’éprouvais la plus grande admiration pour moi.

— Comment pouvez-vous me dire de pareilles choses ?

— Je le dis, je le répèle, je regrette d’être ici. Je lui tournai le dos, car j’étouffais de larmes et de rage de pleurer.

Et lorsque mon père commença à rire, embarrassé et confus, essayant de m’embrasser et de m’attirer dans ses bras :

Allons, Marie, faisons la paix, nous ne parlerons jamais de cela, je ne t’en parlerai jamais, je te donne ma parole d’honnet r ! M. B.

23.