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JOURNAL

presque entièrement cet hiver. On mėne un grand train, tout en affectant la simplicité et l’air de dire : « C’est tous les jours ainsi. » Naturellement du champagne à déjeuner. Une affectation d’aristocratie et de simplicité qui frisent la raideur. Des

portraits d’ancêtres, des preuves d’ancienneté qui ne me sont que très agréables. De beaux bronzes, des porcelaines de Sèvres, de Saxe, des objets d’art. En vérité, je ne m’attendais pas à tant que cela ici.

• Mon père se pose en malheureux abandonné par sa femme, lui qui ne demandait qu’à être le modėle des maris.

Un grand portrait de maman peint en son absence, des marques de regret au souvenir du bonheur perdu et des élans de haine contre mes grands-parents qui ont brisé ce bonheur. Enormément de soin à me faire sentir que mon arrivée ne change rien dans les habitudes. Une

partie de cartes pendant laquelle j’ai travaillé à mon canevas, et de temps à autre dit quelque chose qu’on écoutait avec curiosité. Papa se leva de la table de jeu et s’assit près de mỏi, abandonnant les cartes à Pacha. Je parlai tout en brodant et il m’écouta avec beaucoup d’attention. Puis il proposa une promenade par la campagne. J’ai marché d’abord à son bras, puis au bras de mon frère et du petit prince. On entra chez ma nourrice, qui fit semblant d’essuyer une larme. Elle ne m’a nourrie

que pendant trois mois ; ma vraie nourrice est à Tchernakovka.

On me conduisit loin. C’est pour te donner de l’appétit, disait mon père.