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JOURNAL

me semble que je fais assez en disant mes moindres pensées, surtout n’y étant pas obligée. Je ne m’en fais pas de mérite, car mon Journal c’est ma vie, et, au milieu de tous ces plaisirs, je pense : Comme j’aurai long à raconter ce soir ! Comme si c’était une obligation ! Lundi 14 août (2 août). nous avons quitté Moscou, pleine de mouvement et pavoisée de drapeaux à l’occásion de l’arrivée des rois de Grèce et de Danemark, Hier à une heure,

Pendant tout le voyage l’oncle Etienne m’agaçait positivement.

Imaginez la Iecture d’une étude sur Cléopâtre et Marc Antoine, interrompue à chaque instant par des phrases comme celles-ci : — Veux-tu manger ? -Tu as peut-être froid ? — Voici du poulet roti et des concombres. -Peut-être une poire ? — Faut-il fermer la fenêtre

? — Que vas-tu manger en arrivant ? — J’ai télégraphié 

pour qu’on te prépare un bain, notre reine, j’en ai fait venir un en marbre, et toute la maison a été arrangée pour recevoir Sa Majesté. Incontestablement bon, mais irrécusablement ennuyeux. Des

messieurs fort bien font la cour à Amalia comme à une dame. Chocolat m’étonne par son esprit émancipé et par sa nature de chat, ingrate et rusée. A la station Grousskoë nous sommes reçus par deux voitures, six domestiques-paysans et mon fichu frère. Grand de taille et de grosseur, mais beau comme une statue romaine, avec des pieds comparativement