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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Dieu tous les soirs et je ne veux pas m’occuper de quelques bagatelles qui ne font rien à la vraie religion, à la vraie croyance.

Je crois en Dieu, et il est bon pour moi et il me donne plus que le nécessaire. Oh ! s’il me donnait ce que je désire tant ! le bon Dieu aura pitié de moi ; bien que je puisse me passer de ce que je demande, je serais si heureuse si le duc faisait attention à moi et je bénirais Dieu.

Je dois écrire son nom, car si je reste sans le dire à personne, sans même l’écrire ici, je ne pourrai plus vivre. Je craquerai, parole d’honneur ! Cela soulage la peine, quand, au moins, on l’écrit.

À la promenade, je vois une voiture à volonté avec un jeune homme, grand, mince, brun ; je crois reconnaître quelqu’un. Je pousse un cri de surprise : oh ! caro H…! On me demande : qu’est-ce ? et je dis que Mlle Colignon m’a marché sur le pied.

Il n’a rien de son frère ; tout de même, je suis contente de le voir. Oh ! si on faisait sa connaissance au moins, car, par lui, on pourrait connaître le duc ! J’aime celui-là comme mon frère, je l’aime, parce qu’il est son frère. À dîner, Walitsky dit tout à coup : « H… » J’ai rougi, j’étais confuse, je suis allée vers l’armoire. Maman m’a reproché ce cri, en disant que ma réputation, etc., etc., que ce n’était pas bien. Je crois qu’elle devine un peu, car toutes les fois qu’on dit : « H… », je rougis, ou je sors brusquement de la chambre. Elle ne me gronde pas.