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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

cochers vous supplient de monter avec tant d’empressement qu’on craint en donnant la préférence à l’un, de blesser mortellement l’autre. Enfin nous montâmes dans une manière de phaéton excessivement étroit et alors commença une course à obstacles. Les pierres du pavé, les rails de tramways, les passants, les voitures, nous allions au milieu de tout cela vite comme le vent, secoués à chaque instant et souvent presque lancés hors de la voiture. L’oncle poussait des gémissements d’inquiétude et je riais de lui, de moi, de notre course sauvage, du vent qui me soulevait les cheveux et rótissait les joues, je riais de tout, et à chaque église, à chaque chapelle, à chaque niche åimages je me signais dévotement à l’imitation des bonnes gens de la rue. Ce qui m’a désagréablement surprise, ce sont des femmes pieds nus.

J’allai dans le passage de Solodornikoff acheter une ruche blanche ; je me promenais là la tête en l’air, les mains pendantes et la bouche souriante comme chez moi. Je veux partir demain, je ne puis rien acheter, je n’ai que juste de quoi arriver chez l’oncle Etienne. L’arc de triomphe de Catherine II est peint en rouge avec des colonnes vertes et des ornements jaunes. Malgré l’extravagance des couleurs, vous ne sauriez croire combien c’est joli ; d’ailleurs c’est en harmonie avec les toits des maisons et des églises, qui sont presque tous en feuilles de fer vertes ou rouge foncé. Cette naïveté des ornements extérieurs vous remplit de bien-être en vous faisant sentir la bonne simplicité du peuple russe. Et les nihilistes le sapent déjàl MéphisM. B.

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