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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

avec moi à la gare, lorsque… 6 ennui ! l’argent vint à manquer, nous avions mal calculé. J’ai été obligée d’attendre chez Nina jusqu’à sept heures du soir, pour que l’oncle puisse m’avoir de l’argent en ville. A sept heures je suis partie passablement humiliée de l’aventure, mais agréablement émue au moment du départ par l’apparition d’une douzaine d’officiers de la garde suivis de six soldats en blanc avec des drapeaux. Cette brillante jeunesse venait de reconduire deux officiers qui, avec l’autorisation du gouvernement, partent pour la Serbie. La Serbie cause une vraie désertion ; puisque l’Empereur, ne veut pas déclarer la guerre, toute la Russie souscrit et se soulève de ceur pour les Serbes. On ne fait qu’en parler, on exalte les morts vraiment héroïques d’un colonel et de plusieurs officiers russes. On ne peut que se sentir ému de pitié pour nos frères qu’on laisse tranquillenment égorger et couper par morceaux par ces affreux sauvages de Turquie, par cette nation sans génie, sans civilisation, sans morale, sans gloire.

Et dire que je ne peux même pas souscrire ! Une heure avant d’arriver, j’ai mis mon livre de côté pour bien voir Moscou, notre vraie capitale, la ville vraiment russe ; Pétersbourg est une copie allemande ; comme il est copié par des Russes, il vaut mieux que l’Allemagne cependant. Mais ici tout est russe, l’architecture, les wagons, les maisons, le paysan, qui, sur le rebord de la route, regarde passer le train, le petit pont en bois jeté à travers une espèce de rivière, la boue sur le chemin, tout est russe, tout est cordial, simple, religieux, loyal. Les églises, avec leurs coupoles en forme et de la couleur d’une figue renversée et verte, produisent une agréable impression à l’approche de la ville. Le faquin